Noël????

von Antoine Jaccoud 17. Dezember 2014

A l’origine était le Verbe.

Les enfants récitaient leurs poésies; les parents chantaient les cantiques; Tino Rossi demandait au “petit papa Noël” de ne pas oublier son petit soulier, et l’aïeule veillait du haut de ses 80 ans à ce que rien du modeste tas de cadeaux étalé sous le sapin (un 33 tours d’Uriah Heep, une boîte de Lego, un pyjama Calida, un eau de Cologne et son savon assorti) ne soit distribué avant que le boeuf et l’âne gris aient été largement convoqués, et que chacun ait promis de L’accueillir correctement (i.e. sans crucifixion à la fin) “si Jésus revenait chez nous“.

Et puis la vieille dame a cassé sa pipe et tout peu à peu est parti en sucettes.

Les enfants ont cessé de réciter des poésies (non pas seulement qu’ils avaient grandi, mais ils n’en apprenaient plus, ou ils se gênaient de parler en public, debout devant le sapin, et il se trouvait quelqu’un pour dire qu’il ne fallait pas les forcer); les parents ont cessé de chanter; Tino Rossi s’est tu, balayé par le passage au CD, et il n’y eut plus personne pour empêcher que l’on se serve librement dans un tas de cadeaux qui avait commencé d’enfler. La gardienne du rituel était partie, emportant la clé, et les règles, et la foi, avec elle.

Vint un temps de recherche, d’expérimentation.

On supprima les cadeaux pour les adultes et l’on passa à une tombola ludique mais un peu cheap (cadeaux à plus de 10 balles interdits!) avant de revenir à leur abolition. On remplaça la dinde par les services d’un traiteur avant de passer au couscous (le buffet froid séduit, mais finit toujours par décevoir) puis de revenir à la dinde. On tenta la minute de silence en souvenir des disparus, on invita un étranger à la table (un flic vaudois à la retraite qui se comporta très mal), on tenta le petit sapin, la branche de sapin, l’absence de sapin. C’était l’apprentissage de la liberté, de l’individuation, de la sécularisation.

Sous le sapin, ou sous la télé, le tas fondit peu à peu. On était passé aux bons d’achat (Payot, Manor, avant la généralisation d’i-Tunes) afin de satisfaire des enfants qui ont tout. Et puis les soldes commençant le 26 avaient fini par décourager les plus généreux.

Que reste-il de ces Noël?

Une bouffe entre individus libres, décidés à bien faire mais un peu perdus, qui cherchent encore le mode d’emploi d’un rituel à (ré)inventer. Et ne sont pas certains de le trouver un jour.