Maria’s nail bar

von Antoine Jaccoud 15. Januar 2014

Cela fait longtemps, Maria, que vous êtes au chômage et recevez des allocations de notre part. C’est mon devoir, en tant que placeur auprès de votre office régional de placement, de vous le rappeler.

Il faut dire que votre CV n’est pas terrible: vous découragez les employeurs potentiels par le caractère erratique de votre cursus. Un apprentissage interrompu chez Denner, quelques mandats temporaires chez Lidl et dans la sandwicherie de votre parrain, un bout de stage chez Jacques Dessange, trois petites semaines avant Noël, enfin, comme surnuméraire chez Interdiscount, rien dans votre parcours n’atteste d’une ambition professionnelle élevée ou d’une compétence singulière.

J’entends bien que vous auriez voulu être chanteuse ou comédienne, mais il y a un âge, Maria, pour rêver et un autre pour agir. Et puis vous êtes comme on dit issue de l’immigration. C’est un handicap, léger certes, mais c’est un handicap quand même. Je ne puis toutefois continuer à vous payer pour ne rien faire. Il faut maintenant que vous trouviez un boulot et disparaissiez des statistiques du chômage.

J’avais dans un premier temps pensé à un poste d’hôtesse dans une société d’Escort – mon beau-frère connaît le patron de la société Lady Unlimited, une maison très bien, et ce secteur d’activités connaît une croissance fabuleuse – mais vous dites être pudique et croyante, on s’orientera donc vers autre chose. Ce que je vais vous proposer alors est plus qu’un emploi. C’est une activité véritablement libérale qui vous apportera prospérité et indépendance. Il s’agit de rien moins en effet que d’ouvrir une – votre – onglerie, un nail bar si vous préférez.

Le secteur de l’ongle, Maria, est en pleine expansion. Le soigner, l’embellir, l’orner, le contempler, voilà tout simplement l’horizon radieux de la société occidentale. La formation à ce métier envié et exigeant dure deux jours. Elle vous sera remboursée par nos services – un coup de pouce à ce nouveau départ, c’est bien le cas de le dire. Au terme de celle-ci, vous pourrez portez la blouse et le masque de chirurgien, et vous prendre peut-être pour le docteur René Prêtre qui, je vous le rappelle Maria, fut désigné Suisse de l’année en 2009.

J’ai même une proposition d’enseigne: Maria’s nail bar. Je sais pas si vous aimez mais moi je trouve que cela sonne bien.

Une chose encore. Ce n’est pas parce qu’il y a déjà 35 nail bars dans notre ville qu’il faut vous décourager. Vous ne l’ignorez pas: une saine concurrence est un stimulant pour le business. Bonne chance, Maria.