Le jour où tu auras fini d’avoir peur que l’immersion ne soit pas totale,
peur d’avoir manqué quelque chose,
peur d’être resté dans le troupeau plutôt que d’avoir emprunté les petits chemins,
peur de t’être réveillé trop tard et de t’être couché trop tôt,
peur d’avoir loupé une ruelle, ignoré une fontaine, raté une émouvante façade, tourné le dos à un temple, négligé un bar où buvaient les exilés,
peur de ne pas avoir goûté à tout, même les trucs les plus forts ou les plus rebutants,
peur de ne pas avoir bu les vins et les gnôles et tous les tord-boyaux,
peur de ne pas avoir pris le bus, et le tram, et le métro pour te sentir au milieu du monde,
peur de ne pas t’être trouvé au supermarché à l’église ou au pub comme et en même temps que les autochtones,
peur d’avoir trahi par ta veste ton accent tes chaussures ton argent d’où tu venais,
peur de ne pas avoir été présent dans la rue pour observer un mariage, une procession, une esclandre,
peur d’avoir commis un impair en ne disant pas – ou excessivement – bonjour,
peur de ne pas avoir passé assez de temps sur les bancs, dans les parcs ou simplement le nez en l’air pour contempler les cariatides et les fleurs sur les balcons et cette femme qui fume et ressemble à Sophia Loren dans son pullover noir,
peur enfin de ne pas avoir saisi chaque goutte, chaque instant, chaque particule de ton exil estival et temporaire,
eh bien ce jour là sera le dernier de tes vacances.