Berne est partout

von Antoine Jaccoud 23. Juni 2016

Hermann descend la Polvera. Il est 9 heures du matin. Il fait froid. Nous sommes en juin, l’hiver est en train de s’installer.

Hermann a eu du mal à s’arracher de son lit. Il avait fait tard hier soir, la faute à la Copa America et les bières qui ont suivi parce que le Chili avait battu le Panama. Il remonte alors le col de sa veste. Ses chiens le suivent.

Toto devant, collé à ses talons, Daisy derrière, et Becky loin derrière – la petite chienne a la gale, elle se ronge les pattes jusqu’au sang toutes les deux minutes.

La Polvera descendue – elle est raide et glissante, ce matin – Hermann traverse la route de terre où passe parfois une jeep et plus souvent un cheval et gagne le port.

L’Antonio est arrivé de Valparaiso ce matin. Il amène le frigo, les tomates, les avocats, les carottes et les réserves de bouillon cube qu’Hermann a commandés au Jumbo du continent la semaine dernière. “Ola Hermann” dit le capitaine qui ressemble à un ours tant il est grand et fort, et pataud.

Ola Capitan” lui répond le jeune homme. Il a le temps de bavarder un peu aujourd’hui; du match que le capitaine a écouté à la radio tout en préservant le vieil Antonio des courants trop violents, du temps qu’il fait et de l’agitation du monde dont on est si loin ici.

La saison de la langouste est terminée. Il y a la chaloupe à réparer, mais on a le temps de s’y mettre. Un what’s app sur le smartphone d’Hermann vient toutefois l’arracher à ses bavardages. C’est son cousin Victor.

Un De Rodt lui aussi. Il veut savoir quand aura lieu la séance de travail pour discuter de la fête du premier août. Il faudra là aussi sûrement prévoir de faire venir plein de trucs du continent.

Hermann et Victor  sont les descendants du baron Alfred von Rodt, un Bernois qui, en 1877, acheta l’île chilienne de Juan Fernandez pour la développer et y engloutir sa fortune. A 600 kilomètres de Valparaiso. Et à 10’000 kilomètres au moins de la Bundesplatz.