Les mots / les choses

von Antoine Jaccoud 27. Dezember 2016

MEIN BEWEGTES 2016. – On voudrait ne pas faire de hiérarchies. Tout compte. Tout est lié. Tout peut faire mal au ventre ou mettre le cœur en joie.

On voudrait commencer par dire les petites choses: par exemple comme il a été bon de dormir au dessus des vaches, sur le côté français du Jura, à la fin du mois d’août, et comme il a été également bon de pisser entre les mêmes vaches au milieu de la nuit – comme un sauvage, comme un valet de ferme dans une fable rustique – et d’entendre souffler les bêtes et de rentrer les chaussures crottées plutôt que de sortir propre de chez Interdiscount ou d’un vernissage.

On voudrait dire cela, et dire aussi comme le cadet chante bien devant son micro dans sa chambre, et comment le grand joue bien sur sa Fender noire dans sa chambre, ou même devant un public.

On voudrait dire les grandes choses ensuite – enfin, si on peut les qualifier de grandes: Oskar Freysinger qu’on voudrait voir éjecté loin dans la stratosphère sous l’effet d’un sursaut moral qui ne vient pas, ce crew formé par Donald Trump, qui a collectivement l’intelligence d’un cervelas au regard des problèmes de notre planète, dire aussi cet autre benêt, également candidat à la présidentielle US, qui demanda, voici quelques semaines, devant les caméras de télévision: «Aleppo, what’s Aleppo?» et du Black Friday, enfin, qui a achevé le désenchantement total et définitif du mois de décembre dans notre pays.  

On voudrait ne pas faire de hiérarchies. Tout compte. Tout est lié.  Tout peut faire mal au ventre ou mettre le cœur en joie.

On voudrait dire aussi les rencontres et les bons moments: un pêcheur taciturne au Chili qui prend sa femme par l’épaule au moment de retrouver mort leur cheval, tombé dans une rivière, la bouteille de Johannisberg avec une photographe haut dans la montagne, une guérisseuse d’âmes à Varsovie qui m’a fait du bien, la mort de Wajda, qui semblait immortel, et les kilos pris et les conversations, au Pirée, sous les tentes qui puaient.

On voudrait se rappeler tout un moment,  avant de passer tellement vite à autre chose que c’en est un peu désespérant.  

On voudrait enfin, et c’est un rajout sinistre de dernière minute, ne pas avoir à se demander si Markus, Peter, Inge ou Patricia, Bekim ou Ronnie, Samuel ou Annelise sont «signalés en sécurité».