A l’étranger

von Antoine Jaccoud 17. August 2016

S’émerveiller pour un oui pour un non. Trouver les gens gentils,

et puis serviables,  pas comme chez nous où ils sont tous stressés,

ont des sales tronches, pire que des chiens de ferme.

Trouver tout bon et surtout pas cher. Un plat de scampi grosses comme ça

pour trois francs, vous vous rendez compte ? Et servi avec le sourire en plus…

Une bouteille du vin – du pays, bien sûr, mais tout à fait buvable quand même –

pour une thune ou même moins.

Marcher des jours entiers en sandalettes, une bouteille d’eau à la main,

entrer dans des églises, des temples, des sanctuaires.

Allumer un cierge pour l’oncle parti en mai d’un cancer de la gorge.

Faire une photo loupée d’un vitrail, d’une vierge noire,

d’un dragon doré avec une grande langue.

Et puis bien sûr picniquer sur un banc, – des tomates, un bout de fromage –

s’en foutre plein les shorts, s’essuyer avec un mouchoir en papier.

Chercher ensuite des toilettes, calmement d’abord,

puis paniqué, serrant les fesses. Se dire qu’on aurait dû y aller au musée.

A l’étranger quand tu vois des chiottes, tu profites même si t’as pas besoin.

Expliquer à quelqu’un à l’hôtel qu’il y a aussi le romanche,

oui le romanche, la quatrième langue. Jamais entendu parler ?

Un mélange entre l’allemand et l’italien.

Bouffer des glaces, des dizaines, des trois boules, des gobelets, des cornets,

des une boule. En mettre une sur Facebook avec pour légende :

« tant pis pour la ligne » ou alors « on décompresse… ».

Acheter des choses. Un maillot de bain. Une poterie. Des épices.

Appeler sa maman. Lui dire que ça va bien. Qu’on a le beau, oui,

qu’on a le beau, mais qu’on va pas faire trop long parce que le roaming, tu vois.

Le quoi ? Le roaming. On revient vendredi. Quand ça? 

Vendredi, bisous, on t’embrasse, Jean-Pierre aussi.

Boire du rosé. Des litres de rosé. Des wagons-citernes de rosé.

Mais bouffer aussi des salades. Des niçoises. Des caprese.

Des auvergnates avec des noix. Des qui donnent la chiasse.

Faire une petite trotte avant d’aller se coucher.

Sur la plage, les ramblas, le zocalo.

Se dire qu’on est bien, que le temps passe vite, qu’on allumerait presque une clope

si on n’avait pas arrêté.

Qu’on enverrait bien chier, aussi, son patron, son boulot,

sa vie, sa carrière.

Et alors soupirer un bon coup en regardant les lumières

trembloter dans la baie.

Acheter encore une connerie  à l’aéroport.

Boire un jus de tomate dans l’avion. Merci mademoiselle.

Paraît que c’est bon contre le jet lag.

On était en vacances.